Les questions de la transmission et du partage des connaissances en création sonore se situent au coeur du projet d'Art-Temps-Réel.
Développer l'expression artistique et la conscience de notre environnement sonore auprès d'un public diversifié et souvent non initié à une pratique musicale, constituent une part importante des activités poursuivies par l'association.
Grâce à des méthodes pédagogiques adaptées mises en place par les artistes intervenants d'Art-Temps-Réel, la sensibilisation à la création musicale contemporaine passe par un mode interactif. En suscitant un terrain propice à l'expérimentation et à l'écoute, ils permettent l'expression personnelle de chacun des participants en se basant sur le sensible plutôt que sur des conventions établies de forme musicale. Car il s'agit avant tout d'éveiller aux multiples potentialités de la création musicale en stimulant l'imaginaire.
Le projet :
Développer la pratique de l'écoute à partir des apports de l'art acousmatique.
Acousmatique : la dématérialisation de la source, l'abolition de la dépendance à l'événement sonore, l'abstraction sonore et ses possibilités surréalistes. A l'origine, le mot désigne certains disciples de Pythagore qui écoutaient l'enseignement du maître dont ils ne percevaient que la voix : une tenture le soustrayait à leur vue.
En musique dite "acousmatique", le processus de création est totalement maîtrisé par le compositeur. Depuis la recherche des matériaux sonores (ce que le compositeur de musique dite savante – classique, contemporaine – ne saisit qu'à la dernière étape, c'est à dire à l'exécution et à l'interprétation par des instrumentistes, d'une œuvre écrite, d'abord "pensée") en passant par la mise en forme, le rythme, la temporalité, tout ce qui fait sa musique, jusqu'au silence qui suit la fin de l'œuvre. D'une manière très concrète (première appellation de ce genre avec notamment Pierre Schaeffer en France), le musicien fait progresser son travail en ayant la possibilité à tout moment de défaire et refaire, jusqu'à obtenir le résultat qui lui semble être la meilleure expression de ce qu'il a voulu.L'œuvre acousmatique est une composition conçue et réalisée dans le studio électroacoustique à partir de toutes sources sonores possibles (acoustiques, électroniques, numériques). Fixée sur support audio (CD…), elle est proposée à l'écoute sur des dispositifs de projection du son constitués de hauts – parleurs (acousmonium).
En s'appuyant sur des paramètres utilisés dans tous les styles de musique (rapidité/lenteur, légèreté/lourdeur, nuances, hauteur…) et grâce aux technologies modernes que propose le studio (informatique, microphones, synthétiseurs…) le compositeur utilise les sons comme des matières qu'il va sculpter, modeler, ciseler… pour dire - et cela est essentiel - ce que "l'artiste en lui" souhaite exprimer. Et c'est cette "chose à dire" qui permet la construction d'une forme musicale : la musique n'est en ce sens qu'un médium à disposition de chacun.
Une fois l'œuvre de musique acousmatique réalisée, finalisée et fixée sur support audio (CD ou disque dur) elle est mise en espace par un orchestre, mais un orchestre… de haut-parleurs, aussi appelé "acousmonium".
A la différence d'une écoute domestique sur une paire d'enceintes, l'acousmonium permet une version concert de la musique, exactement comme on peut apprécier un CD de jazz à la maison et se rendre dans une salle de concert pour l'entendre dans des proportions différentes. Pour faire une analogie avec le cinéma, ici "cinéma pour l'oreille", il existe la même différence entre l'environnement domestique (sur téléviseur grand public) et le format cinémascope de la salle spécialisée. L'acousmonium permet donc de créer des espaces variés (serré, large, désaxé, proche, lointain), des densités différentes (peu ou beaucoup de haut-parleurs), des mouvements et des trajectoires ( l'auditeur étant entouré par ceux-ci, il perçoit donc l'avant et l'arrière en plus des côtés et ce, sur plusieurs plans). Autant de possibilités qui permettront de souligner le calme, l'agitation, etc… contenus dans la musique.
Aux commandes de la console de projection sonore de l'acousmonium, l'interprète de l'œuvre enregistrée agira comme un chef d'orchestre qui joue une musique sur partition, en essayant de rendre compte de toute la richesse de la musique, sans en trahir le contenu. En ce sens, le travail d'interprétation acousmatique, la projection dans l'espace, est un élément essentiel de la musique elle-même. On connaît le rôle de l'interprète chanteur ou instrumentiste ; celui de l'interprète acousmatique est du même niveau : donner à entendre, selon sa lecture, une musique fixée sur un support.
Un projet d'atelier en deux parties :
1/ L'art de l'entendre; où il s'agit de comprendre la pratique par une écoute partagée et commentée.
Entendre ce que les oreilles, ce que le corps tout entier perçoit, nécessite certainement une conscience du corps et de ce qui l'entoure.
Une expérience intéressante pour s'en convaincre est de faire une prise de son à l'aide d'un microphone, d'écouter le résultat et de tendre l'oreille pour découvrir ce que l'on n'avait pas perçu de prime abord.
Nous filtrons de bien des manières notre environnement sonore, car il est en fait terriblement fatiguant d'entendre tout, tout le temps ; et notre organisme naturellement se protège de trop d'informations.
L'art de l'entendre propose, dans le contexte d'une écoute en situation acousmatique, d'essayer de percevoir les sons en les extrayant de leur cadre culturel pour les découvrir comme des objets et des formes sonores à part entière. Le son (bruit ?) de la perceuse, par exemple, ne représentant plus alors la perceuse mais une sonorité qui évolue désormais dans un contexte (musical ?) particulier, et qui ne raconte plus l'outil qui perce un trou. Il s'agit d'une expérience extraordinaire qui fait ici appel à l'imaginaire de chaque auditeur.
Un aspect également important dans la composition et dans l'écoute est la notion de temps musical.
Nous sommes tellement contraints et pressés dans notre quotidien, que trop souvent, nous ne prenons plus le temps. Se mettre en position d'écoute pour vivre un moment acousmatique signifie aussi accepter la temporalité propre à une œuvre. Se rendre disponible est indispensable pour entrer dans l'univers d'un compositeur. Ce qui n'est pas toujours facile et nécessite bien souvent de nos jours une médiation.
Concrètement :
L'atelier est centré sur une écoute d'œuvres très diverses permettant de parcourir un large spectre musical à travers l'histoire.
De la musique ancienne à la musique expérimentale en passant par le rock et le jazz, l'objectif est de sensibiliser l'auditeur à ce qui permet, à un moment donné de l'histoire, l'émergence d'un genre musical. Parce qu'ils sont au centre des processus de la création artistique, sont abordés conjointement les postulats idéologiques, politiques, sociologiques et technologiques qui permettent la naissance des formes musicales.
Les écoutes se déroulent dans un contexte de moment de détente et de partage, un peu comme dans un salon de musique.
Les ateliers d'écoute permettent aussi une appréhension du faire par la présentation des techniques contemporaines de composition liées à l'informatique. Ainsi, sont présentées à l'aide d'un vidéoprojecteur les sessions de "produits finis musicaux" au sein d'un logiciel audionumérique. Cela permet de découvrir l'ensemble des pistes qui composent un morceau de musique, les options de mixage et les différentes couches de traitements sonores qui font la couleur de celui-ci.
2/ Le plaisir de faire; où il s'agit de mettre en jeu l'écoute par l'expérimentation collective.
Chaque discipline artistique met à disposition des moyens d'expression variés et différents.
Les arts plastiques, l'écriture, la danse, la musique… sont autant de moyens qui permettent la mise en forme d'un imaginaire, d'une histoire, d'une sensibilité individuelle ou collective, d'une revendication, d'une révolte, d'un message à l'adresse de l'autre.
Qu'est-ce que je veux dire aux autres ? De quelle manière ? Qu'est-ce qui est le plus en résonance avec ce que je suis ?
Dans cet atelier, au sein d'un groupe constitué pour l'occasion, chaque personne aura la possibilité de mettre en jeu son écoute dans le "faire ensemble", à travers une situation d'improvisation collective qui pourra être dirigée ou totalement libre.
L'objectif y est donc de produire collectivement une forme musicale à partir de la diversité des sensibilités et de l'imaginaire de chacun.
Pour ce faire, le point de vue proposé - avant même la notion de musicalité et afin de garder la problématique de l'écoute avant celle du style ou du genre musical - est celui du sonore tel qu'il se rencontre dans le cadre de la création musicale contemporaine et le spectacle vivant.
Concrètement :
A partir des nouvelles technologies liées à l'informatique, un instrument de lutherie électronique (mini clavier, pads, contrôleurs midi…) est proposé à chaque participant. La voix et le microphone peuvent aussi être un instrument possible.
Chaque instrument permet la production et/ou la transformation de sons de natures très diverses qui, à l'image d'une boite de lego, peuvent être agencés de multiples façons. L'aspect technique, aussi rudimentaire soit-il, est envisagé dans une étroite collaboration avec la dimension artistique et peut à ce titre faire l'objet d'un investissement à part entière d'une ou plusieurs personnes.
Il s'agit alors d'élaborer une forme, à un moment donné et en fonction des personnalités en présence.
Se posent alors les questions de gestes et postures corporelles en situation de jeu musical, des départs et arrêts, des durées, des constructions polyphoniques, des solis, des pupitres, de la répartition des timbres dans l'espace sonore, du sens général… tant de questions auxquelles il faut alors trouver des réponses concrètes.
Un texte, une image, un lieu ou un événement peuvent servir de support thématique, ou bien l'expérimentation-improvisation peut rester libre, l'objectif peut-être un enregistrement ou une forme éphémère... quoi qu'il en soit, l'humain est ici au centre du processus de création mis en jeu et les options sont à inventer collectivement.